Projet de gare maritime de Saint-Malo – Réponse à la lettre ouverte de René Couanau, parue dans le journal Ouest France du 14 aout 2023


Dans une lettre ouverte adressée au président de la Région Bretagne, Monsieur René Couanau, maire honoraire de Saint-Malo, a décidé de reprendre le discours du Collectif Sablons et de se faire « l’écho des inquiétudes de très nombreux habitants et visiteurs de Saint-Malo à propos du projet architectural de la prochaine gare maritime ».

Le Collectif Perspectives malouines souhaite exprimer ses réserves par rapport aux déclarations de l’ancien Maire de Saint-Malo.

« Remettre le projet à l’étude avant que le permis de construire ne soit déposé » est contraire à l’usage et à la procédure. Dans le déroulement normal des choses, c’est à partir du moment où le permis de construire est refusé que l’on revoit le projet.

Nous ne comprenons pas pourquoi, sans se référer au projet réel, pourtant présenté en détail sur le site de la Région, Monsieur Couanau reprend mot pour mot les propos excessifs et inexacts d’un collectif qui surfe sur le mécontentement et attise la division. Il nous aurait paru plus judicieux, de la part d’un responsable politique estimé autrefois pour son esprit entreprenant, de mettre en avant ses nombreuses expériences de bâtisseur au service de la collectivité dans une démarche positive et pédagogique. Il est décevant de le voir s’aligner et renchérir sur les stéréotypes qui encombrent les débats dans le cadre d’une campagne de médiatisation savamment orchestrée et très abondamment relayée par la presse locale.

Examinons point par point les propos rapportés dans le courrier à l’adresse du Président de la Région Bretagne :

« Impact visuel considérable »

Le terme d’impact est une terminologie inappropriée, il n’y ni contact ni choc, il ne s’agit en réalité que d’incidence visuelle. Pourquoi une gare maritime construite à l’intérieur d’une zone portuaire située entre deux zones urbanisées devrait-elle être invisible ? Afficher la présence d’un équipement public, ainsi que son rôle fonctionnel et symbolique dans l’interface ville-port n’est-il pas plus essentiel et productif que de laisser perdurer la vétusté, le désordre, la médiocrité et l’absence de signification de la gare actuelle ?

« Ériger l’équivalent de deux barres d’immeubles » 

Du côté de l’écluse, confondre une passerelle d’embarquement avec une barre de logement ne relève pas d’une grande acuité visuelle.
Du coté des bassins, il ne s’agit pas d’une barre, mais d’un bâtiment articulé en trois directions afin de se caler au mieux au terrain d’emprise et de se lover dans l’ancienne courtine du fort du Naye. Pour faire corps avec le site, il prend naissance dans le creux des vestiges du bastion, s’étire le long du bassin et se retourne le long de l’écluse.

En France les barres d’immeubles sont souvent associées aux grands ensembles avec une connotation péjorative, d’autant plus qu’à Saint-Malo, comme dans de nombreuses autres villes, les bailleurs sociaux, soutenus par l’État ont pris la décision depuis quelques années de démolir à grands frais les plus vétustes. L’emploi d’une terminologie dépréciative pour décrire un équipement public est susceptible de créer une confusion grossière dans l’esprit du lecteur.

« Atteinte grave au paysage littoral marin »

Cette dramatisation encourage la confusion en évoquant la loi relative à l’aménagement et à la protection du littoral. En effet, celle-ci s’applique aux zones naturelles et non à une zone portuaire située entre deux secteurs urbains, comme le précise le règlement du plan d’urbanisme de la ville.

« Un panorama unique dont la co-visibilité est indéniable »

Cette association de mots est douteuse car le lien entre un panorama et la co-visibilité n’est pas établi. A l’origine, un panorama est un dispositif architectural artificiel constitué d’une rotonde dans laquelle les murs intérieurs sont intégralement recouverts d’une toile cylindrique peinte en trompe l’œil. Cette disposition circulaire d’une représentation, très prisée au xixe siècle, permet au spectateur, situé au centre, de voir une vue d’ensemble. Par extension, la notion de panorama qualifie la perception d’une vaste étendue depuis un point élevé.

La co-visibilité est une des conditions de la constitution de la ville historique et de l’espace public. C’est le dialogue entre les différents éléments du bâti et la forme de l’espace libre entre eux qui qualifie et enrichit le patrimoine. Il s’agit rarement d’isoler les bâtiments dans un no man‘s land de 500 mètres, mais au contraire de rechercher la convergence, la parenté et la complémentarité entre deux figures données et de leur inscription dans ce périmètre du paysage urbain.

C’est à l’architecte des Bâtiments de France qu’il appartient de formuler ses remarques dans le cadre de la servitude d’abord des monuments historiques : aussi est-il est curieux de vouloir se soustraire par anticipation à son avis en demandant le retrait du dossier pour empêcher son examen.

« Une rupture irréversible » 

Rien n’est irréversible, à part le temps perdu. Le système constructif prévu pour la gare maritime permet une déconstruction ou une reconstruction dans une démarche évolutive. Le projet développe par ailleurs le réemploi et l’économie des matériaux et répond aux enjeux énergie, matière, climat, carbone et biodiversité.

« La gare maritime n’est pas un aérogare »

Nous sommes entièrement d’accord. Il suffit de se reporter aux trois projets présentés lors du concours d’architecture pour constater que le projet retenu est celui qui s’inscrit le mieux dans un contexte maritime précieux. La recomposition du terminal permet de réparer l’hétérogénéité des lieux qui prévaut actuellement en réutilisant les matériaux et les couleurs du site. En plus, il favorise les mobilités douces et respecte les enjeux spécifiques d’une gare maritime décarbonée.

« Ne pas nuire à la beauté de ce paysage patrimonial breton »

Un paysage est évolutif et change sans arrêt pour se constituer. Dans le cadre d’un paysage urbain, et de surcroit maritime, les transformations sont incessantes. C’est ce que nous enseigne l’histoire, qui rend son étude passionnante. On ne peut arbitrairement arrêter le temps en faisant de l’antériorité des bâtiments et des aménagements existants le prima indépassable de toute évolution. Il est nécessaire de construire le futur de la ville historique de Saint-Malo avec son port, pour pouvoir l’apprécier par la suite. Sans cela, il n’y aurait à terme plus aucun patrimoine. Il n’appartient pas au collectif des Sablons de décider que le patrimoine s’arrête à ce qui s’est construit hier, que le temps doit suspendre son vol, que tout doit être figé et que nos contemporains n’ont ni talent ni sensibilité.

« Surcoût et ré-étude du projet »

Rien ne garantit qu’un nouveau projet serait de qualité supérieure ou même égale à celui qui est contesté aujourd’hui sous la pression acharnée du collectif des Sablons. Une seule chose est sûre, comme le reconnait d’ailleurs l’ancien élu, c’est le surcoût lié à la remise en cause des études ainsi que la perte d’usage liée aux retards.

« Un ensemble mondialement connu auquel tiennent, plus que tous les habitant et les visiteurs »

Elles ou ils habitent à Rocabey, à Saint-Servan, au Sillon, dans l’Intra-muros … Elles et ils sont graphiste, juriste, puéricultrice, professeur d’histoire et géographie, restauratrice, scénariste, informaticien, médecin, traductrice, architecte du patrimoine, retraité, ancien responsable d’entreprise… Ils ne ratent jamais les rendez-vous d’Étonnants voyageurs au Palais du Grand large, fréquentent la Grande Passerelle (belle réalisation de M. Couanau), regrettent l’abandon du projet du Musée maritime au bord du Bassin Duguay-Trouin et s’inquiètent du retard pris pour la nouvelle gare maritime du Naye.

Ils ou elles sont sensibles à la qualité architecturale des interventions réalisées récemment sur le Port (surélévation du poste de contrôle de l’écluse du Naye ou pont tournant à l’entrée de l’Avenue Louis Martin) et espèrent que des aménagements de qualité métamorphoseront la perception des bassins depuis le Quai de Trichet. Elles et ils renouvellent leur confiance vigilante au vu du sérieux des études et de la qualité des documents remis par la Région.

Les visiteurs, plus particulièrement nos amis qui habitent les villes maritimes construites sur une activité portuaire (Montréal, Lübeck, Hambourg, Tallinn, Gdansk, Stockholm, Copenhague, Amsterdam…) sont rassurés de savoir que le nouveau terminal ferry de Saint-Malo sera bien situé dans la zone portuaire et non au-milieu de l’intra-muros comme ils auraient pu le croire en consultant en ligne la fameuse pétition. Ils sont heureux d’apprendre en consultant le site de la Région que d’importantes mesures liées à la protection de l’environnement seront enfin prises en compte comme c’est le cas chez eux depuis longtemps.

S’il vous plait, Monsieur Couanau, restez fidèle aux valeurs que vous avez portées pendant vos mandatures, ne vous faites pas l’écho à des inexactitudes et le colporteur de rumeurs, écoutez d’autres opinions. Nous sommes prêts à vous rencontrer pour vous faire partager d’autres horizons et respirer un air d’avenir.

Pour découvrir le projet, l’observation attentive de l’original s’impose :https://ports.bretagne.bzh/decouvrir-le-projet/

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